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Journée internationale des personnes handicapées : L’ère du braille et de la bibliothèque sonore - Algérie (A l'étranger)

Journée internationale des personnes handicapées : L’ère du braille et de la bibliothèque sonore

Atika El Mamri, présidente de la Fédération algérienne des personnes handicapées, à El Moudjahid : “La volonté politique existe, mais beaucoup reste à faire”

Les efforts déployés par les pouvoirs publics pour faciliter l’accès au savoir aux enfants souffrant de handicap se poursuivent non seulement par l’intégration scolaire de cette catégorie, mais aussi l’adoption de méthodes susceptibles d’aider les enfants non-voyants et les sourds-muets à bénéficier au même titre que leurs pairs de l’éducation. En effet, s’il y a quelques années, la scolarisation de l’enfant handicapé visuel et sourd-muet relevait presque de l’utopie, en raison du manque de structures spécialisées, de personnels qualifiés ou même de supports pédagogiques adaptés aux besoins de cette frange de la population, aujourd’hui, des efforts sont consentis pour s’acheminer vers l’ère du braille et du numérique. Cette volonté d’améliorer la prise en charge de plus de 20.000 enfants handicapés scolarisés, dont 173.000 handicapés aveugles qui ont eu leurs lots de livres scolaires, édités en braille. En effet, 2.000 manuels scolaires en braille ont été édités pour tous les niveaux scolaires. Le souci de faciliter la scolarité de l’enfant aveugle et sourd-muet remonte, en fait, à l’année 2000, avec l’inauguration d’une imprimerie en braille, qui a assuré, à ce jour, l'édition de 78.313 ouvrages, dont 3.313 depuis le 1er août 2011. Il faut dire aussi que l’Algérie s’est dotée également en 2007 d’une bibliothèque sonore, première du genre. Elle est ainsi le premier pays en Afrique et dans le monde arabe à s’être dotée de cet outil didactique. La bibliothèque en question est constituée de livres en braille et de CD, appelés “livres parlés”, qui constituent pour les aveugles et les malvoyants les matériaux de base pour leur apprentissage. La documentation est transcrite en braille et sur cassettes audio, alors que la traduction se fait simultanément en arabe, français et anglais. Cette initiative prévoit, à vrai dire, la mise sur CD de 38.000 livres scolaires en braille et la création de 55.000 livres de culture générale en braille. Le coût global du projet est estimé à 14 milliards de centimes. Il s’agit, à travers ce projet aussi, de permettre aux handicapés de manière générale d’améliorer leurs connaissances, mais aussi d’accéder aux loisirs, notamment la lecture, considérée jusque-là comme un luxe pour cette population. Cette technique permet de remplacer jusqu’à 50 cassettes par un seul CD capable de stocker 50 heures d’informations sur un livre parlé numérique appelé Daisy (Digital Accessible Information System), basé sur un logiciel pour la création d’une formation adaptée aux besoins des personnes handicapées et permettant aux utilisateurs d’insérer des signes dans des sections du livre. Ces appareils se distinguent par des fonctions simples d’écoute, mais aussi des fonctions évoluées de navigation à travers le livre.
Aujourd’hui, le braille ou encore le CD font leur entrée doucement mais sûrement pour ouvrir de nouveaux horizons aux handicapés, répartis sur quelque 180 établissements spécialisés ou encore admis dans des classes normales. Des efforts soldés par l’introduction de près de 85% des sujets des épreuves du baccalauréat pour l’année 2010 pour la première fois en braille.
Samia D.

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Atika El Mamri, présidente de la Fédération algérienne des personnes handicapées, à El Moudjahid :
“La volonté politique existe, mais beaucoup reste à faire”

La FAPH milite depuis sa création contre l’exclusion des personnes handicapées et fait de la promotion des droits des personnes handicapées son cheval de bataille.
Sa présidente livre dans cet entretien, qu’elle a accordé à El Moudjahid, ses sentiments sur la Journée internationale des personnes handicapées et donne son avis, sans détour ni langue de bois, sur la situation des personnes en situation de handicap dans notre pays.

El Moudjahid : L’Algérie célèbre aujourd’hui la Journée internationale des personnes handicapées. Est-ce vraiment un grand événement pour la FAPH ou c’est devenu routinier que d’organiser des cérémonies et des conférences pour oublier ensuite les souffrances des personnes handicapées ?
Atika El Mamri : Cette année, la Journée internationale des personnes handicapées est marquée par deux événements majeurs. Il s’agit d’abord de la ratification de l’Algérie de la convention internationale des droits des personnes handicapées, en mai 2009, et de la mise en application, pour bientôt, de l’obligation d’accessibilité pour les personnes handicapées dans notre pays.
Pour revenir à la ratification, c’est une bonne nouvelle dans la mesure où quand on dit ratifier, cela veut dire respecter tous les articles de cette convention et parmi lesquels, et ce n’est pas moindre, celui de réaliser une enquête nationale sur les besoins des personnes handicapées dans notre pays. Ceci doit permettre de situer les conditions souvent dramatiques dans lesquelles vivent les personnes handicapées, dont la presse en fait l’écho régulièrement, et les contraintes qu’elles rencontrent. Donc, j’avoue que c’est une décision nationale importante qui prouve quand même que la volonté politique existe mais cependant, beaucoup reste à faire.

Pensez-vous que cette enquête aura des répercussions positives sur le vécu des personnes handicapées ?
Certainement. Car si l’on va directement à cette enquête, je crois que les choses peuvent s’améliorer puisque c’est à partir de ses conclusions et de ses recommandations que nous pouvons mettre en place des stratégies et des politiques adaptées relatives à la prise en charge des personnes handicapées et de leurs besoins.

Mais faut-il encore qu’on vous consulte en tant que mouvement associatif ?
Tout à fait. J’estime qu’on doit entendre nos propositions dans la mesure où il n’y a pas mieux qu’une personne handicapée pour décrire son vécu quotidien. Cependant, on fait appel parfois à nous pour l’élaboration de lois ou la mise en place des politiques, mais nous sommes à chaque fois surpris de constater à la fin que les choses ne se passent comme nous le souhaitions. Donc, à partir de ce constat, on peut imaginer qu’on ne prend jamais en compte nos observations.

Vous avez cité l’accessibilité des personnes handicapées comme étant l’autre fait marquant de cette année…
Bien évidement, l’accessibilité constitue un thème très important pour nous. L’accessibilité, c’est de pouvoir se déplacer librement, sans contraintes, avec des espaces aménagés. Ce qui n’est pas le cas malheureusement dans notre pays. L’exemple le plus édifiant est le métro d’Alger nouvellement réceptionné. Figurez-vous qu’on n’a même pas pensé aménager des espaces pour les personnes handicapées. Certes, ce n’est qu’un détail parmi tant d’autres qui sont sans doute plus importants que le métro, mais ceci dénote les lacunes et les carences existantes encore à ce sujet.

Il y a aussi l’accessibilité dans les rues. Les espaces aménagés et autres passages pour personnes handicapées font cruellement défaut en Algérie, et on imagine que ça doit être un calvaire pour elles...
 Absolument. Et si l’on décide de faire quelque chose, on le réalise mal. Si l’on s’amuse à mettre à notre disposition de minuscules passages situés au bout du bout des trottoirs et nous dire voilà, on vous a aménagé des espaces, je pense qu’il vaut mieux s’en abstenir au lieu de faire n’importe quoi. Y en a marre de la politique du «mieux que rien» ! Non, nous ne sommes pas preneurs dans ces conditions-là. Il faut savoir que ces choses-là reposent sur des normes universelles bien précises. Il ne suffit pas de faire ceci et cela si l’on ne respecte pas des critères bien définis. Donc, nous ne réclamons que le respect des normes et des standards internationaux.

Revenons, si vous le permettez, à la situation socioprofessionnelle des personnes handicapées. Pensez-vous que les choses se sont améliorées ces dernières années ? La prise en charge est-elle à la hauteur ?
Cela reste insuffisant quand même en dépit d’une réelle volonté politique de bien faire. Le chemin reste long et trop d’obstacles rendent la vie difficile aux personnes handicapées. Prenons le cas de la capitale où l’on a recensé 19.000 personnes handicapées, mais qui se trouvent marginalisées, vivant dans l’oubli, à l’écart. Je peux vous amener chez eux, un par un, pour voir comment ils vivent, à la charge de leurs familles. En Algérie, les dernières statistiques parlent de 15% des Algériens qui sont handicapés, la plupart des jeunes. Imaginez, 15% de la population exclu de tout. Il faut à mon avis multiplier le nombre de centres et autres structures permettant la prise en charge de nos malades. Il faut aussi créer les métiers pour handicapés, des métiers spécifiques pour handicapés pouvant leur permettre d’être indépendants dans leur vie.

Pour y arriver, votre rôle en tant que mouvement associatif n’est plus à prouver…
Effectivement, le rôle des associations est essentiel. Pas pour sensibiliser parce que ce n’est pas notre mission, mais nous sommes là pour assister les handicapés et tenter de les orienter vers le bon chemin. Toutefois, il faut que les pouvoirs publics s’y mettent. Ils doivent dépasser les politiques des pensions et de l’assistanat et penser à plus important telles l’intégration et l’insertion.
Propos recueillis par S. A. M.
 

PUBLIE LE : 03-12-2011

2012/01/13 17:07 - BB