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La crédibilité des guides au Beach Ngobila mise à rude épreuve - Afrique (A l'étranger)


La crédibilité des guides au Beach Ngobila mise à rude épreuve

Handicapés physiques et leurs guides engagés dans le trafic transfrontalier
 
Kinshasa le 23 septembre 2011 -(DIA)- L’une des portes d’entrée et de sortie de la capitale congolaise, le Beach Ngobila, est un lieu où le trafic est toujours intense entre Brazzaville et Kinshasa, respectivement capitales de la République du Congo et de la République Démocratique du Congo. Les deux villes situées sur les deux rives du fleuves Congo voient leurs habitants s’engager dans un trafic commercial transfrontalier en faisant la navette tous les jours ouvrables à bord des vedettes entre les deux capitales. Parmi les trafiquants, une catégorie se fait remarquer aux yeux des personnes en visite au plus grand port fluvial international de la capitale. Il s’agit des personnes vivant avec handicap.Aveugles, handicapés moteurs, sourd-muet, malentendants, etc., ils sont en quelque sorte des « ayants droit » du Beach. Face aux pratiques au Beach qui sont devenues des habitudes, les personnes vivant avec handicap pensent exploiter leurs guides, alors que ces derniers estiment profiter d’elles. Mais, pour des agents de la DGM, ce qui se passe au Beach Ngobila peut être considéré comme un trafic d’êtres humains.
 
C’est vrai, comme le reconnaissent les personnes vivant avec handicap, au Beach Ngobila, elles sont les privilégiées de ce lieu. « Notre statut d’handicapé nous donne des privilèges que d’autres personnes dites ‘normales’ n’ont pas », nous a confié, dans le grand hangar qui sert de salle d’attente pour les passagers, un handicapé moteur qui fait le trafic Kinshasa - Brazzaville depuis 13 ans. Mais, pour aborder ce sujet, des gens se montrent un peu méfiants des journalistes, que ce soit des responsables des services douaniers ou des voyageurs, mais aussi des vendeurs.
 
S’agissant du privilège, en effet, chaque personne handicapée a droit à un guide. Pour le guide et pour elle-même, elle paye un seul billet et un seul laissez passer, à un prix dérisoire.
 
Pour des agents de la DGM, ce qui se fait dans ce lieu n’est autre chose qu’un trafic d’êtres humains. Selon le Coordonnateur du DGM que nous avons trouvé sur place au Beach Ngobila, assis sur un banc, entouré de ses collaborateurs, ce sont des handicapés qui profitent des guides. En effet, selon les explications sur place, chaque personne vivant avec handicap a droit à un guide officiel, qui a une carte y afférente. A en croire les agents de la DGM, les guides officiels ne partagent pas leurs bénéfices avec les personnes handicapées. Ces dernières estimant faciliter à leurs guides officiels la tâche (car, ces guides font passer leurs marchandises comme bagages des personnes vivant avec handicap, ainsi, ces marchandises échappent au contrôle douanier et aux taxes) sans profiter des bénéfices du trafic, préfèrent coopérer avec des guides occasionnels. Ainsi, le guide occasionnel, au lieu de payer un laissez-passer à 5 $ US, le paye à 800 FC, soit 0,89$ US.
 
Contrairement à ce point de vue, des guides occasionnels estiment que ce sont eux qui profitent des personnes vivant avec handicap pour faire de bonnes affaires. C’est en tout cas ce que nous a confirmé un jeune de 16 ans, Singana. Elève de son état, il était à son neuvième voyage entre Kinshasa et Brazaville. Il a quelques astuces pour atteindre son objectif : « C’est mon neuvième voyage. A chaque fois, je voyage en tant que guide occasionnel. Car, à chaque fois je change de partenaire (personne vivant avec handicap). Lorsque je traverse sous le statut de guide, je paye tout au plus 11.000 FC au lieu de 25.000FC. En plus, mes bagages sont en sécurité, personne ne me dérange et tous mes bénéfices sont assurés ». Mais, comme le fait remarquer Singana, cela a un prix. « Lorsque je viens ici au Beach pour aller à Brazzaville, je suis obligé de me faire un air de voyou pour passer facilement sans passer par un long interrogatoire des agents de la DGM. Car, ici, si tu donnes un air sérieux, on te posera plusieurs questions et on risque de te refuser le laissez-passer ou t’exiger de payer un tarif normal sans exclure les tracasseries policières ».
 
Du moins, comme le reconnaît le Coordonnateur de la DGM au Beach Ngobila, le train de mesures adoptées en faveur des personnes vivant avec handicap est pour qu’elles ne se livrent pas à la mendicité. Cahin caha, les activités du port vont bon train alors que la situation demeure statique pour les acteurs sur le terrain : des handicapés paient des taxes dérisoires, leurs guides font passer de la marchandise sur le compte des handicapés et les responsables des services tolèrent des libertés sur les règlements. L’application complaisant des règlements semble favoriser le désordre dans cet endroit stratégique et sensible. En lieu et place de passe droit, l’Etat peut aider autrement les personnes handicapées qui ont des potentialités que l’on peut développer à travers des formations appropriées pour de véritables métiers.
 
Marthe Bosuandole
23/09/11
http://www.dia-afrique.org

2011/09/28 16:08 - BB