Intervention de M. Renucci sur la proposition de loi de dépistage précoce des troubles de l’audition
Simon Renucci (Source photo Fr3 Corse vidcap)
Le regard de la société sur la surdité a évolué laborieusement mais favorablement au cours des dernières décennies avec une forte implication des familles et des associations.
Tandis que les innovations scientifiques et technologiques sont généralement saluées comme des progrès par l’opinion, une partie de la population sourde s’inquiète d‘une éventuelle remise en cause du choix des parents en cas d’application trop directive du dépistage précoce des déficits auditifs et du mode de traitement préconisé. La différence des situations dans lesquelles se trouve l’enfant sourd, selon que ses parents seront eux-mêmes sourds ou entendants, est considérable.
Au cours des nombreuses auditions menées ces dernières semaines, nous avons été alerté par les inquiétudes des familles.
La Fédération Nationale des Sourds et l’ANPEDA, ont souligné la crainte d’une trop grande médicalisation et d’une filiérisation de la surdité.
A toute ces familles, je veux dire qu’il ne s’agit pas ici de forcer la main à la solution thérapeutique.
Le point qui nous rapproche tous est le souci commun de promouvoir un repérage précoce pour un meilleur suivi et une plus grande égalité d’accès aux soins.
Il existe une ambiguïté majeure autour du concept de dépistage précoce dans le domaine de la surdité, souhaité par les uns mais vécu par les autres comme une intrusion inacceptable.
Je tiens à rappeler ici qu’il est question dans le texte d’un repérage en premier lieu.
Ce repérage précoce ne doit pas avoir pour seul objet de hâter l’implantation cochléaire. Il doit avoir pour but de réfléchir à une prise en charge personnalisée qui implique plusieurs possibilités.
C’est l’intérêt de l’enfant qui doit servir de fil conducteur.
La légitimité d’un programme de repérage précoce en France se justifie d’autant plus que l’âge moyen de diagnostic de surdité profonde demeure beaucoup trop tardif (16 mois) comparé aux autres pays européens.
C’est pourquoi cette proposition de loi vise un objectif louable :
- en insistant sur le temps gagné pour le développement futur de l’enfant
- sur la réduction des coûts d’une prise en charge tardive
- et enfin en essayant d’atteindre toutes les familles y compris celles les plus éloignées du système de soins
Par ailleurs, ce repérage recouvre une autre réalité qui est celle des surdités syndromiques et des surdités unilatérales. Nombre d’enfants sourds souffrent d’autres pathologies associées que le repérage permet de détecter. Ce repérage qui conduira à un diagnostic plus poussé doit être considéré comme un atout pour l’enfant.
Toutes les possibilités offertes se doivent être promus et portées à la connaissance des parents.
Mais nous devons encourager le bilinguisme, qui est un élément essentiel du développement cérébral précoce de l’enfant, et respecter la liberté de choix des parents tout en offrant des moyens d’informations sur tous les modes de communication possible.
Je me permets, ici, de citer un extrait de l’avis 103 remis par le Comité Consultatif National d’Ethique pour les Science de la Vie et de la Santé :
« La question éthique du dépistage néonatal de la surdité dépasse largement la seule dimension fonctionnelle et organique. L’humanité d’une personne s’accomplit dans une diversité d’interactions sociales et d’échanges avec ses semblables où la langue orale joue évidemment un rôle majeur. Mais il ne faut pas oublier qu’un enfant sourd appareillé n’est pas aussi bien entendant que les autres. La richesse de la langue des signes restera pour lui un élément essentiel de communication même après pose d’un implant. Implant et langue des signes non seulement ne sont pas contradictoires mais essentiels dans leur conjonction ».
Ce texte sera une première étape. Première étape fondatrice, qui ne saurait suffire. Rappelons que neuf mois après l’annonce du Plan gouvernemental Handicap auditif 2010-2012, seule une mesure a respecté le calendrier défini sur les 20 mesures à réaliser sur l’année 2010. Ce texte doit aussi servir de signal d’alarme afin de rappeler les engagements pris et qui se doivent d’être respectés.
M. Le Rapporteur, lui même en commission, à rappeler la nécessité du « renforcement des structures d’accueil ». Ce point me semble fondamental, les associations auditionnées ont toutes insisté sur la difficulté des parcours des familles. Notre rôle est répondre à leurs attentes, de s’assurer que cette proposition de repérage ne soit pas qu’une annonce, mais bien le début d’une vrai prise en charge au sein de structures suffisamment nombreuses et prêtes à aider les enfants et leur famille.
Les inquiétudes des familles sont fondées : La création de 480 nouvelles places dans les services d’accompagnement familial et d’Education précoce (SAFEP) et de trois nouveaux centres d’action médico-sociale précoce (CAMPS) ont été reportée. Par ailleurs, des classes d’intégration scolaire ont été supprimées et de nombreux auxiliaires de vie scolaire (AVS) n’ont pas eu leur contrat renouvelé.
Ces éléments n’instaurent pas un climat de confiance.
C’est pourquoi ce texte reste incomplet car la surdité ne doit pas être qu’une question de repérage mais une question de santé publique, de scolarisation, d’apprentissage et d’éducation. Mais je reste persuadé qu’il peut être une première étape importante pour une meilleure reconnaissance et une meilleure prise en charge.
Le choix des différents mode de communication et la décision d’appareiller ou non les enfants sourds est conditionné par le type de surdité mais doit en définitive, revenir aux parents Les parents et l’environnement familial de l’enfant déterminent le traitement qu’ils estiment le plus approprié au cas de leur enfant.
Notre devoir est d’encourager et de soutenir tous les modes de communications qui sont tous nécessaires et doivent être promus.
C’est pourquoi les familles ont avant tout besoin d’information, de personnels adaptés, d’accompagnement,de moyens et surtout d’un climat de confiance.
Nous devons renforcer notre compréhension du monde du handicap pour faire le parcours avec les familles et pour les familles.
Source :
http://blog.simon-renucci.org
PULITICA, Simon Renucci
2010/12/08 12:08
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