Dépistage néonatal : « sourd ne veut pas dire malade ! »
Mardi dernier, une loi visant à généraliser le dépistage néonatal de la surdité a été votée à l'Assemblée nationale. Un systématisme auquel s'opposent plusieurs associations. Giovanni Rito, responsable pédagogique au sein du CFLS (centre de formation à la langue des signes), nous explique pourquoi.
Pourquoi être opposé au dépistage néonatal des troubles de l'audition ?
>> Cette loi prévoit de faire ces dépistages trois jours après la naissance. Ça nous gêne vraiment. On ne pourra pas savoir si l'enfant est effectivement sourd ou pas. Surtout, au niveau de l'accompagnement, il ne sera question que de rencontrer médecins, psychologues, orthophonistes... Les parents ne seront pas dirigés vers des professionnels sourds, on ne va les orienter que vers le secteur médical. Les gens seront complètement écartés de la culture sourde.
Comment définissez-vous la « culture sourde » ?
>> C'est, par exemple, se réunir régulièrement dans la communauté.
On se rencontre, on échange, dans notre langue (la LSF : langue des signes française). Nous avons un patrimoine à partager. Avec la politique d'intégration, on se demande où sont les sourds. Ils ne peuvent plus se rencontrer...
L'intégration des enfants sourds et malentendants dans les écoles « classiques » n'est donc pas une bonne solution, selon vous ?
>> On parle d'intégration individuelle, cela signifie que l'enfant est tout seul, qu'il doit faire d'importants efforts. Cette politique d'intégration se répand parce que, souvent, les écoles spécialisées sont loin des familles. Les parents sont obligés de mettre leurs enfants dans des écoles classiques, et les enfants sourds sont séparés les uns des autres.
En quoi cela peut-il avoir un impact négatif sur l'enfant ?
>> S'il ne maîtrise pas la LSF, il aura des problèmes pour communiquer. Même sa pensée sera en retard. La LSF permet de penser, de se créer des images. Bien sûr, cela dépend de la manière dont les parents acceptent ou non la pratique de la LSF. Mais il est important qu'il pratique, pour pouvoir échanger avec les autres.
Vous êtes également opposé au recours aux implants. Pourquoi ?
>> Dans la communauté sourde, il y a peu de gens implantés. On en a un peu marre que tout soit centré sur l'oreille. On nous voit comme des oreilles, et ils veulent nous réparer. Mais non. Nous sommes des êtres vivants, nous n'avons pas besoin d'implants : nous avons la langue des signes. Les médecins, bien sûr, pensent à soigner. Pour eux, l'implant semble nécessaire. Mais sourd ne veut pas dire malade !w Cet entretien a été réalisé avec l'aide de Claire Jubault et Marina Daubie, étudiantes en LSF.
Publié le mardi 07 décembre 2010 à 06h00 - PROPOS RECUEILLIS PAR MATTHIEU MILLECAMPS > matthieu.millecamps@nordeclair.fr
http://www.nordeclair.fr
2010/12/07 11:12
- BB |