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Sourd, mais « entendu » par la police (Presse)

Sourd, mais « entendu » par la police

Malgré sa surdité, la police l'avait entendu sept fois ! Vous avez dit « relaxe » ?

Des dossiers comme ça, on n'en voit pas souvent. Les policiers sont tellement habitués à faire face à des drôles d'individus lors des gardes à vue, qu'ils ont parfois du mal à croire tout ce qu'on leur dit.

Les 8 et 9 décembre 2009, un jeune homme de 19 ans était arrêté en flagrant délit d'usage illicite de stupéfiants. Il avait remis trois sachets de résine de cannabis aux policiers au cours de son interpellation. Mais au cours de la garde à vue, les enquêteurs l'auront entendu pas moins de sept fois pour finalement rédiger une procédure de plusieurs dizaines de pages (selon son avocat, Me Antoine Vaast). Il y avouait, avec moults détails, et dans un langage qui ne serait pas le sien, les faits. Problème, il précisa à ses interlocuteurs qu'il était sourd et ne comprenait que le langage des signes.

De deux choses l'une : soit les enquêteurs du commissariat d'Arras se sont montrés aussi doués qu'un interprète pour faire parler (et comprendre un sourd dont l'oralité est loin d'être parfaite) soit ils ont pris ce jeune homme pour un simulateur. « J'ai été tenté de citer comme témoins les fonctionnaires, dira Me Vaast, au cours de sa plaidoirie, mais je me suis dit qu'ils étaient peut-être aussi les victimes de ce système de la garde à vue à la française ». « Nous avons la preuve scientifique, a-t-il poursuivi, que les dizaines de pages consignées au cours de la garde à vue sont des faux ! ». L'avocat est d'autant plus étonné qu'Arras est connu pour avoir un institut des jeunes sourds par lequel sont passés de nombreux élèves.

Sa demande de nullité de la procédure s'appuie en effet sur une expertise d'un ORL, qui affirme que le prévenu « est atteint d'une surdité profonde qui l'isole du reste du monde », et qu'il est « douteux qu'il puisse s'exprimer dans un échange de question-réponse, sans interprète en langue des signes ».

Un gros couac reconnu par la substitut Mattioli, qui admet qu'il aurait « été préférable qu'il puisse bénéficier d'un interprète » et que, fatalement, « la garde à vue et les procès verbaux sont nuls ».

Le tribunal n'a pu que constater la nullité de la procédure et a relaxé le jeune sourd en l'absence d'éléments probants.

N .A.

vendredi 03.12.2010, 05:02 - La Voix du Nord

2010/12/03 11:40 - BB