Kafé signes: manjé, palé épi men
Voici que mes mains ont la parole. Elles traduisent en lettres une langue faite de signes, légère danse où chaque expression corporelle prend tout son sens, où le geste fait sens.
Voilà abordé naïvement l’autre qui, n’entend pas la parole par moi, qui ne m’exprime que par les sons. L’autre est sourd, et quand il communique j’appréhende sa culture, intriguée. Les questions se bousculent : comment vit-il? Que fait-il? Travaille-t-il? Quels sont ses loisirs? A-t-il une voiture? Ses réponses sont proches des miennes, à quelques exceptions près… Par exemple, il lui a été possible d’avoir le permis de conduire qu’en 1959. J’apprends qu’on ne lui a reconnu le droit à l’égalité de traitement et à l’accès aux services permettant d’accélérer l’insertion sociale que depuis les années 70, avec l’avènement la notion de droits fondamentaux pour les personnes handicapées au niveau international. Je reste interloquée : nos mondes seraient-ils si distincts ? Y aurait si peu de possibilités de rencontres?
La notre a eu lieu au Kafé Signes « pou palé san pawòl ». Ce restaurant ouvert en décembre 2009 permet « la fusion des publics ». Ensemble, 18 sourds et entendants travaillent, échangent, en mettant de côté la barrière du langage. La cuisine n’est-elle pas un bon moyen de rassembler ?
Au Kafé Signes, les mets renvoient à notre culture commune : « on balarou fri, on lanti konsomé… » servis « adan on kwi… ki sé pou bwè, manjé, tout biten-la fèt an kalbas ». Et le client adhère. Au premier abord, l’étonnement l’assaille. Il appelle la serveuse qui ne lui répond pas. Il regarde autour, voit affiché « comment dire bonjour », « comment commander du poisson »…, il est en terre inconnue à sa table en bois. Un entendant vient lui donner les clés de navigation : « Ici, les serveuses sont sourdes, la patience est de rigueur ».
On ne fait pas que consommer, on vient à la rencontre de l’autre autour d’un repas. Le client étonné adhère. Certains en ont des frissons, d’autres posent mille questions, donnent des conseils. Les serveuses sont satisfaites. Bien que ce ne soit pas leur formation de base, elles travaillent, se donnent, sont ravissantes et l’accueil est de qualité.
C’est le défi de l’association Karuk’interfaces : intégrer professionnellement et accompagner ces personnes handicapées. En dehors du projet Kafé Signes et de la formation à la langue des signes, l’association porte un projet de TV Web. Toujours avec le souci de mixité, il s’agit de former aux métiers de l’audiovisuel des personnes qui seront, en connaissance de cause, capables de rendre une information accessible aux sourds.
A quand, à l’image du clip « Savoir aimer » de Florent Pagny, sur nos écrans, un hymne à l’amour, au respect de la différence ?
Kafé signes – Marina de Rivière sens – Gourbeyre
Après la station service – A droite, au bout de l’impasse
Descendre des escaliers vers les bateaux
Karuk’interfaces
Chantal GARCON 0690 49 55 85
karukinterface@hotmail.com
http://www.fwiyapin.fr/
2010/05/18 10:33
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