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Les sourds Haïtiens crient leur misère - Haiti (DOM - TOM)

Les sourds Haïtiens crient leur misère

Mal vus par certains et oubliés par d'autres, les sourds sont considérés depuis toujours comme des citoyens de seconde zone. A la faculté d'Ethnologie, plusieurs dizaines d'entre eux ont appelé samedi à la fin des discriminations dont ils sont victimes.

  
En Haïti, très peu de sourds-muets arrivent à boucler leurs études classiques. Personne ne sait si l'un d'entre eux est même déjà parvenu à franchir les portes de l'université. Sur le marché du travail, ils sont très peu représentés et plusieurs vivent dans une misère abjecte... De quoi susciter l'indignation des personnalités invitées à la célébration du 9e anniversaire de la fondation du Centre d'aide aux personnes à problèmes auditifs (CAPPA-Sourds-Haïti) 1998 - 2007. «Les sourds comme les autres groupes de handicapés du pays sont considérés comme des citoyens de second plan», ont-elles martelé à l'unisson.

La décision de l'administration Préval - Alexis de créer la Secrétairerie d'Etat à l'intégration des personnes handicapées est bien accueillie par tous. Des sourds s'en réjouissent. «Nous sommes contents de constater que l'Etat commence à se pencher sur notre cas en créant une Secrétairerie à l'intégration des handicapés», s'est réjoui Rosier, un jeune malentendant dans la trentaine.

Un peu d'attention SVP

Les personnes frappées de surdité disent attendre des mesures concrètes pouvant améliorer leurs conditions de vie. Comme toute première mesure, ils réclament la création d'une école de langue des signes qui aura pour mission de vulgariser cette langue à travers tout le pays. «Ceux qui ne sont pas sourds doivent pouvoir communiquer avec nous dans la langue des signes, déclare une dame devenue sourde dès l'âge de quatre ans à la suite d'une fièvre. Le président de la République, les ministres, les parlementaires...doivent apprendre à communiquer avec nous. Nos chaînes de télévision doivent aussi penser à faire interpréter leurs éditions de nouvelles en langue des signes.»

Les sourds comme toutes les autres catégories sociales du pays sont frappés de plein fouet par le chômage qui sévit dans le pays. La sous-traitance, en perte de vitesse depuis des années, est le seul secteur qui s'ouvre jusqu'ici aux handicapés auditifs. Cependant, les conditions de travail laissent à désirer. «Certaines usines de l'aéroport préfèrent engager les sourds parce qu'ils ne peuvent pas parler pour revendiquer leurs droits, dénonce un responsable du CAPPA-Sourds-Haïti. N'ayant pas d'autres choix, ils sont contraints de se laisser exploiter.»

« Je travaille dans une usine de sous-traitance à l'aéroport. Mon salaire ne me permet même pas de répondre aux besoins les plus élémentaires de mes deux enfants. Les autorités doivent se pencher sur notre situation », déplore une dame ayant des problèmes auditifs.

En démocratie, pas de citoyens de 2e catégorie

« La société haïtienne dans toutes ses composantes doit réfléchir sur les solutions à apporter aux problèmes des sourds et des handicapés en général. Si nous voulons qu'Haïti soit un pays démocratique, nous devons commencer par considérer ceux qui vivent avec une déficience physique comme des citoyens à part entière », a indiqué le doyen de la faculté d'Ethnologie, Yves Dorestal.

Après avoir passé en revue les différents problèmes des sourds, le professeur Dorestal a plaidé en faveur de leur intégration dans la société. « Il faut des lois qui les protègent», a-t-il réclamé. Son intervention traduite en langue des signes par un membre du CAPPA a été très appréciée par les dizaines de sourds présents.

Le recteur de l'Université d'Etat d'Haïti (UEH), Pierre-Marie Paquiot, est lui aussi du côté des handicapés auditifs. « Je suis très bien placé pour comprendre votre situation pour avoir été handicapé pendant six mois », a expliqué le professeur Paquiot sans rappeler les circonstances dans lesquelles il avait failli perdre ses deux jambes. Il a ajouté : « Etant recteur de l'UEH, j'avais trouvé toute l'aide nécessaire. Je pense donc à vous et aux milliers d'autres que la société veut oublier. »

Pierre Marie Paquiot a, par ailleurs, déploré le fait que les handicapés haïtiens sont délaissés et vivent dans la pauvreté. « La pauvreté est aussi un handicap. Donc, un handicapé qui ne peut pas répondre à ses besoins est doublement handicapé », a-t-il regretté avant d'inviter toutes les instances du pays à donner la main à nos frères et soeurs vivant avec une déficience physique ou mentale.
Spécialistes de l'hypoacousie, professeurs d'université, hommes de loi... ont de leur côté plaidé en faveur d'une politique de prévention de la surdité.

Ils ont notamment dénoncé l'absence totale de régulation du bruit dans notre pays. Personne ne semble s'en soucier : les tap-tap qui vomissent leurs décibels sur tout leur parcours, près des hôpitaux, haut-parleurs qui beuglent dans la nuit, voitures et camions au silencieux défoncés qui font un bruit d'enfer, génératrices, klaxons...

L'automédication, phénomène courant en Haïti, a été présentée par certains comme responsable de bon nombre de cas de surdité. «Les médicaments contre la méningite, la malaria et autres maladies doivent être recommandés par un médecin,. La plupart des médicaments employés dans le traitement de ces maladies ont des effets néfastes sur la santé », a précisé l'un des conférenciers.
Jean Pharès Jérôme
pjerome@lenouvelliste.com
 

2007/08/19 19:58 - BB